Justice

Charente: Alexandre Beauvais-Chiva, sa vie virtuelle fait des victimes bien réelles

Charente: Alexandre Beauvais-Chiva, sa vie virtuelle fait des victimes bien réelles
Alexandre Beauvais-Chiva s’est construit un personnage qui n’existe pas.
Photo archives Renaud Joubert
Par Lénaëlle SIMON - l.simon@charentelibre.fr, publié le , modifié .
L’éphémère candidat aux municipales d’Angoulême en 2020 et déjà condamné, sévit encore. Faux documents, relations, entreprises factices. Sa vie rêvée n’est que virtuelle. Mais ses victimes sont bien réelles. Retrouvez en accès libre notre article de ce début de semaine.

Il s’est présenté aux législatives en Charente-Maritime en 2017 sur la circonscription de Saintes avant d’être, en 2020, l’éphémère candidat des municipales d’Angoulême, contraint de jeter l’éponge, rattrapé par ses casseroles judiciaires. Alexandre Beauvais-Chiva, 41 ans, spécialiste autoproclamé de la communication et des relations publiques, condamné pour faux en écriture par le tribunal de Saintes (il avait falsifié son contrat de travail), refait surface. Oreille d’Emmanuel Macron, mentor de Philippe Croizon, docteur en droit constitutionnel, conférencier à Sciences Po, futur homme fort des Républicains, il est rattrapé par ses démons mythomanes auxquels ses réseaux sociaux donnent corps. Un nouvel exemple de leur dangerosité.

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Quand il est pris en étau, Alexandre Beauvais-Chiva dégaine ce qu’il sait faire de mieux : des faux documents.

“Un homme cultivé”

Le Charentais, passé par la Dordogne et par Saintes, se rêvait riche, puissant, adulé. Il doit de l’argent à tout le monde, vit au crochet de ses conquêtes et n’a de notoriété que celle de ses abonnés qu’il abreuve de vidéos ridicules et de directs vulgaires. Il aurait pu être le héros du documentaire Netflix L’arnaqueur de Tinder, cet Israélien qui a séduit des femmes avec un avatar d’homme fortuné.

C’est un coup de fil arrivé à CL en mars. Liana, une Montpelliéraine s’est retrouvée plumée de 500€. Une rencontre sur Tiktok, « un personnage charismatique et cultivé ». Mais au moment de passer un week-end entre la Charente et Angers, la carte bleue de Monsieur ne fonctionne jamais. Elle avance les frais sans en revoir la couleur. Elle a porté plainte.

La pelote que l’on déroule est interminable. “Je croyais que c’était quelqu’un de bien mais il s’est inventé une vie, un fils, une entreprise. C’est un mythomane et un manipulateur mais il sait bien parler, est intelligent et cultivé », se souvient Elisabeth Serralheiro, sa colistière aux municipales qui a vite pris ses distances. Sur Instagram et Tiktok, il a créé des dizaines de comptes autour de sa personne et même une agence chargée de la protection intellectuelle et commerciale de ses marques qui n’a aucune existence réelle. Il séduit, floue et rassure à coup de faux documents, faux messages, faux collaborateurs (lire ci-dessous).

Il comptait sur moi pour obtenir une investiture à la députation.

Une entreprise coquille vide

Son entreprise Les Équipiers, spécialisée dans les relations publiques et la communication est une coquille vide. L’adresse, 91 rue du Faubourg Saint Honoré, au coeur du Paris chic, correspond à une entreprise de domiciliation d’adresses. « Ce monsieur utilise frauduleusement notre adresse, nous n’avons aucun contrat à son nom.” Le numéro de téléphone n’existe pas. La spécialiste des relations publiques est en fait chanteuse. Le supposé graphiste n’a jamais travaillé pour lui. Bizarrement, après quelques coups de fil, leurs CV ont disparu du site. Il revendique pourtant 75 free lance et des antennes dans le monde entier. À tel point qu’il a annoncé en décembre dernier, qu’un bus flanqué de sa tête, allait parcourir la France.

Soi-disant homme d’affaires, il annonce l’an passé à ses proches qu’il mène des négociations à Paris pour racheter une partie de So Local et publie en janvier des annonces de recrutement. Une fable de plus. En parallèle, il se construit une image d’homme politique. En 2017, classé divers droite aux législatives, il ne grappille que 0.48 % des voix. Il se revendique proche de Rama Yade, ex ministre de Nicolas Sarkozy et diffuse des affiches où il apparaît avec elle et Arnaud Montebourg. Mais c’est chez les LR qu’il compte bien faire carrière. « Il a essayé d’intégrer les LR, confirme la trésorière du parti en Charente. Il comptait sur moi pour l’aider à obtenir la présidence et une investiture à la députation mais il n’a jamais pris sa carte heureusement. »

En politique comme aux affaires

Pourtant il continue de relayer toutes les réunions du parti, laissant penser qu’il y participe. La trésorière, elle, a carrément reçu des lettres d’huissiers chez elle : il avait donné son adresse. L’an passé, Alexandre Beauvais Chiva veut ajouter à son arc une corde de bienfaiteur. Il devient bénévole pour le Téléthon Charente mais l’un des membres découvre son pedigree et ses impayés de loyer dans un espace de coworking angoumoisin. « Il était chargé de ramener des entreprises. En huit mois, il n’a rien fait, se souvient Julie Repolt, alors coordinatrice départementale. Il avait tellement dégradé l’ambiance que je lui ai demandé de partir. Il a alors voulu me facturer ses prestations ! » Il a aussi laissé un goût amer à Basile Dubon, le fondateur de la radio associative « La 16 », à Montbron. « Il a proposé de s’occuper de la communication et de la commercialisation des espaces publicitaires. On a signé un contrat qu’il n’a jamais honoré. Je l’ai résilié. Toute sa vie, c’est de la mythomanie ».

Alexandre Beauvais-Chiva, devant la gare d’Angoulême, la semaine dernière.
Alexandre Beauvais-Chiva, devant la gare d’Angoulême, la semaine dernière.
Julie Desbois

Cette vie fantasmée s’expose lors de ses directs Tiktoks, dans lesquels ses abonnés louent sa culture et rient de ses blagues homophobes et vulgaires. Il y révèle pêle-mêle qu’il donne des conférences à Sciences Po Paris, que le président Macron vient suivre discrètement ses directs pour prendre le pouls de la société ou que Philippe Croizon est son client. Ce dernier n’a évidemment jamais entendu son nom pas plus qu’il n’est connu à Sciences Po ou à l’Élysée, est-ce utile de le préciser. Quand une conquête déchue règle ses comptes en direct, il la menace de poursuites. Il y a dix jours, il s’adresse à sa communauté en costume trois pièces depuis la gare d’Angers où il doit prendre son train après une dure journée de travail. Surprise, on le retrouve installé à la gare d’Angoulême en plein direct. Avec une valise comme s’il avait pris le train. Dernières promesses en date: son autobiographie “Itinéraire d’un petit chose”, éditée par une maison d’éditions dont on n’a trouvé aucune trace. Toute comme la pièce de théâtre qu’il aurait écrite et qu’il présente dans une vraie interview sur Spotify: “Toutes folles de lui”. On n’arrête pas l’ego.

Nous avons contacté Alexandre Beauvais-Chiva qui devait nous rappeler à son retour d’Angers. Il ne l’a jamais fait. Par contre, il nous a copieusement insultés dans une vidéo.

« On y croyait, on a tous plongé »

Dix-sept ans après, Sylvain reste traumatisé. Il a été le beau-frère d’Alexandre Beauvais-Chiva durant deux ans et demi. « Il était à la fac de droit à La Rochelle avec ma sœur. Il a dit qu’il avait validé son diplôme alors qu’il l’avait raté. Il l’avait en fait retouché. Ensuite, il disait être diplomate et travailler en ambassade. On recevait des courriers avec des enveloppes estampillées du logo. Au moment du tsunami à Sumatra, en 2004, il nous a dit qu’il devait partir assurer la diplomatie française sur place. On l’a même accompagné à l’aéroport. On a appris par la suite qu’il n’y était jamais allé. Avec ma sœur, ils sont ensuite partis à Washington où il devait prendre un poste de diplomate. Sa prise de fonction était sans cesse repoussée et au bout d’un mois, ils sont rentrés. Ma mère a eu un doute, elle a appelé le Quai d’Orsay, ils ne le connaissaient pas. On y croyait, on a tous plongé. Ma mère lui avait même prêté sa voiture pour aller chercher des personnalités à l’aéroport. »
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